Le projet de loi sous avis a pour objet la mise en œuvre du règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union. Ce règlement a été modifié par deux règlements délégués de la Commission des 13 juillet 2020 (règlement délégué (UE) 2020/1298) et 29 septembre 2021 (règlement délégué (UE) 2021/2126).
Le projet de loi met en œuvre les dispositions européennes en prévoyant un mécanisme de filtrage en trois étapes. La première consiste pour l’investisseur étranger de notifier son investissement direct étranger lorsque ce dernier concerne des activités critiques visées à l’article 2 du projet de loi. Cette notification n’a pas d’effet suspensif. Puis, le ministre ayant l’Économie et le ministre ayant les Finances dans leurs attributions respectives décident si cet investissement direct étranger doit faire l’objet d’une procédure de filtrage. Enfin, si une telle procédure de filtrage a été initiée, l’investissement direct étranger est soumis à autorisation au regard de son impact potentiel sur la sécurité ou l’ordre public sur base de facteurs de filtrage repris du règlement (UE) 2019/452 et énumérés à l’article 9 de la loi en projet.
Le règlement (UE) 2019/452 étant un règlement-cadre laissant aux États membres le choix d’en mettre en œuvre le dispositif, le Conseil d’État considère que rien n’empêche le dispositif national opérant la mise en œuvre de ce règlement européen d’en reprendre le contenu.
Dans son avis, le Conseil d’Etat émet plusieurs oppositions formelles notamment concernant l’article 4 du présent projet qui institue un comité interministériel de filtrage des investissements et en fixe les missions. Cet article est à supprimer sous peine d’opposition formelle, en ce qu’il méconnaît l’article 76, alinéa 1er, de la Constitution selon lequel le Grand-Duc règle l’organisation de son Gouvernement. En effet, il n’appartient pas au législateur de prescrire aux membres du Gouvernement pour quelles matières et selon quelles conditions ils sont obligés de recevoir des avis et des recommandations. Cette obligation imposée par le pouvoir législatif au pouvoir exécutif serait non seulement contraire au principe de la séparation des pouvoirs, mais encore incompatible avec les dispositions de l’article 76, alinéa 1er, de la Constitution, qui réserve au Grand-Duc le pouvoir de régler l’organisation de son Gouvernement. Cette compétence du Grand-Duc comporte le pouvoir de régler le fonctionnement des services et de déterminer les relations entre les différents membres du Gouvernement et ce, sans limitation et sans exception quant aux services et matières.