Le projet de loi sous avis entend introduire un nouveau chapitre VI au titre IV du livre II du Code du travail intitulé « Harcèlement moral ». Il s’agit ainsi de prévoir, à l’instar de ce qui existe depuis l’année 2000 en matière de harcèlement sexuel, un dispositif légal spécifique sur le harcèlement moral.
Dans son avis, le Conseil d’Etat émet plusieurs oppositions formelles. Ainsi l’entrée en vigueur du projet de loi sous avis entraînerait notamment la coexistence de plusieurs définitions différentes du harcèlement moral au travail, qui s’ajoutent à la qualification pénale du harcèlement obsessionnel. Pour les salariés du secteur privé, la définition à prendre en compte serait en effet non seulement celle introduite par le projet de loi sous examen, mais éventuellement également celle issue de la convention signée le 25 juin 2009 entre partenaires sociaux si cette dernière définition venait à être considérée comme plus favorable pour le salarié. Pour les agents du secteur public, la définition du harcèlement moral resterait celle actuellement en vigueur.
Le Conseil d’État considère que cette manière de procéder se heurte au principe de l’égalité devant la loi tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution. Selon la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle relative à l’article 10bis, le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents à la condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. Le Conseil d’État ne voit toutefois aucune raison objective justifiant une différence de traitement entre les agents du secteur public et les agents du secteur privé. Il doit, par conséquent, s’opposer formellement à l’article L. 246-2, dans sa teneur proposée, sous revue.