Par un arrêt du 11 novembre 2021[1], la Cour de Justice de l’Union Européenne a complété sa jurisprudence relative aux conditions dans lesquelles une période de garde sous régime d’astreinte peut être qualifiée de « temps de travail » au sens de la Directive 2003/88[2].
L’affaire jugée concerne un sapeur-pompier réserviste employé à temps partiel par le conseil municipal de Dublin, dans les conditions suivantes :
- la période de garde sous astreinte est, en principe, de 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, et n’est interrompue que par les périodes de congé et d’indisponibilité notifiées à l’avance ;
- le sapeur-pompier a l’obligation de participer à 75 % des interventions de la brigade, et a la faculté de s’abstenir pour les interventions restantes ;
- il est tenu d’arriver à la caserne dans un délai maximal de dix minutes lorsqu’il reçoit un appel d’urgence pour participer à une intervention ;
- il n’est pas obligé, pendant ses périodes de garde, d’être présent dans un lieu déterminé ;
- il est autorisé à exercer une activité professionnelle de chauffeur de taxi pour son propre compte, dans la limite de 48 heures hebdomadaires en moyenne.
Le tribunal du travail Irlandais, saisi par le sapeur-pompier qui estimait que l’obligation d’être en permanence en mesure de répondre rapidement à un appel d’urgence l’empêchait de se consacrer librement à ses activités familiales et sociales ainsi qu’à son activité professionnelle de chauffeur de taxi, a posé la question suivante à la CJUE : ces périodes de garde sous régime d’astreinte doivent-elles être qualifiées de temps de travail ?
Non, répond la CJUE, en apportant toutefois les précisions suivantes :
- relève de la notion de « temps de travail » au sens de la Directive, l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts (cf. arrêt du 9 mars 2021 de la CJUE, aff. C-580/19) ;
- en l’espèce, la possibilité d’exercer une autre activité professionnelle pendant les périodes de garde constitue une indication importante que les modalités du régime de garde sous astreinte ne soumettent pas le travailleur à de telles contraintes majeures ;
- les autres circonstances selon lesquelles il ne doit, à aucun moment, se trouver dans un lieu précis et n’est pas tenu de participer à l’ensemble des interventions, un quart de ces dernières pouvant avoir lieu en son absence, peuvent également constituer « des éléments objectifs permettant de considérer qu’il est en mesure de développer, selon ses propres intérêts, cette autre activité professionnelle pendant ces périodes et d’y consacrer une partie considérable du temps de celles-ci, à moins que la fréquence moyenne des appels d’urgence et la durée moyenne des interventions n’empêchent l’exercice effectif d’une activité professionnelle susceptible d’être combinée avec l’emploi de sapeur-pompier réserviste, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier. »
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1 Arrêt de la Cour du 11 novembre 2021, affaire C-214/20.
2 Directive 2003/88 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, article 2, point 1.