Le juge luxembourgeois admet la mise en sursis de paiement de FWU LIFE INSURANCE LUX S.A.

source : DSM Avocats à la Cour
5 septembre 2024 par
Legitech, LexNow

Le juge luxembourgeois admet la mise en sursis de paiement de FWU LIFE INSURANCE LUX S.A.

En date du 2 août 2024, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a, sur requête de FWU LIFE INSURANCE LUX S.A. (ci-après « FLL »), déclaré le sursis de paiement de la société pour la durée maximum de six mois.

L’admission de FLL à la procédure de sursis de paiement fait suite à la publication le 19 juillet dernier, par le Commissariat aux assurances, l’autorité en charge de la surveillance des acteurs du marché des produits d’assurance sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg (ci-après « le CAA »), d’un communiqué avertissant de l’insolvabilité de FLL, qui ne satisfaisait plus aux exigences de capital et de solvabilité requis. Dans la foulée, le CAA procéda le 23 juillet 2024, au blocage des valeurs représentatives des provisions techniques auprès des banques dépositaires.

Le sursis de paiement déclaré par jugement du 2 août 2024 marque l’étape suivante, sans doute pas la dernière, de cette malheureuse affaire.

À peu près au même moment en juillet 2024, la société mère et actionnaire unique de FLL, la FWU AG, avait obtenu en Allemagne l’ouverture d’une phase provisoire d’insolvabilité.

FLL qui est une société luxembourgeoise avec patrimoine distinct de son actionnaire FWU AG, est placée sous la surveillance du CAA.

FLL avait distribué ses contrats d’assurances dans les pays voisins depuis plusieurs décennies, notamment en Allemagne, en Belgique, en France et en Italie.

Dans la situation pré décrite, les preneurs d’assurance de FLL sont légitimement inquiets de la protection de leurs droits sous les polices d’assurances qu’ils ont souscrites auprès de FLL. En vertu de la Loi modifiée du 7 décembre 2015 sur le secteur des assurances (ci-après la « Loi sur le secteur des Assurances ») la protection de leurs droits repose essentiellement sur le mécanisme propre au droit luxembourgeois appelé « triangle de protection ». Ce mécanisme se fonde sur le dépôt des provisions techniques (terme visant les valeurs représentatives des actifs investis à l’aide des primes versées par les preneurs), auprès d’une banque agrée par le CAA dans le cadre d’une convention de dépôt « tripartite », rédigée strictement dans les termes imposés par une Circulaire du CAA, et dans lequel le CAA intervient avec un rôle de « superviseur ».

Ces valeurs sont ségréguées des actifs propres de l’assureur, et la Loi sur le Secteur des Assurances confère aux preneurs d’assurance un droit de créance privilégié, appelé « super-privilège », qui doit permettre aux preneurs d’assurance de FLL de récupérer leur créance par priorité envers les autres créanciers (notamment l’État, les organismes de sécurité sociale, les actionnaires et les salariés de l’entreprise d’assurance) en cas de liquidation de la société.

Selon le type de contrat conclu par chaque preneur, soit contrat à capital garanti (qui garantit la restitution de la valeur des provisions techniques), soit contrat en unité de compte (lequel ne garantit que la restitution du nombre d’unité de compte mais pas la valeur du capital investi), le preneur pourra recouvrer largement ou partiellement ses placements.

Le blocage des valeurs représentatives effectué par le CAA le 23 juillet dernier vise à protéger les preneurs d’assurance et les bénéficiaires. Il s’agit en effet d’assurer que l’utilisation de ces provisions techniques se fasse de façon telle que tous les preneurs et bénéficiaires seront traités d’une manière équitable.

Le blocage, conjointement avec le statut du « sursis de paiement », sont les raisons pour lesquelles FLL ne peut, actuellement, effectuer des paiements de prestations aux preneurs d’assurance ou aux bénéficiaires en exécution des stipulations contractuelles. La suspension des paiements concerne notamment tous les paiements dus avant la date du jugement susmentionné. Les paiements arrivant à échéance postérieurement à ce jugement sont soumis à l’approbation expresse du commissaire de surveillance nommé par le Tribunal le 2 août 2024.

Cependant, le statut actuel de FLL reste sans incidence sur la validité des contrats entre l’assureur et ses clients. Ainsi, les preneurs d’assurance et FLL restent liés par leurs obligations contractuelles respectives. Sur la question de savoir si les preneurs sont tenus de continuer à verser les primes à FLL, il convient de se reporter aux conditions contractuelles qui concernent les défauts de paiement des primes et, le cas échéant, de solliciter le conseil d’un professionnel.

On notera encore que si le statut actuel de FLL n’a pas d’incidence sur la validité des contrats, certaines conditions particulières des contrats instituant une politique d’investissement en unités de compte visant le fonds cité ci-après, ne peuvent pour l’instant pas être réalisées au vu de la décision de suspension en date du 19 juillet 2024 de l’émission, du rachat et de la conversion des parts du fonds FWU Protection Fund SICAV.

On relève que la suspension temporaire de l’émission, du rachat et de la conversion des parts du fonds FWU Protection Fund Sicav a été levée à compter du 4 septembre 2024, par décision du conseil d’administration du fonds. Ceci inclut la levée de la suspension pour toutes les classes d’actions des trois sous-fonds, Dynamic Risk Control, Balanced Risk Control et Conservative Risk Control.

Finalement, bien que le sursis de paiement vise en première ligne à permettre à FLL de redresser sa situation financière, si ce redressement devait s’avérer impossible, le CAA ou le Procureur d’État pourraient déposer une requête en liquidation judiciaire. Une étape clé à cet égard est l'examen, par le CAA, du plan de financement élaboré par FLL, visant à rétablir en trois mois ses fonds propres au niveau du minimum requis pour le capital. Ce plan, soumis par FLL dans le mois suivant sa déclaration d'insolvabilité du 19 juillet 2024, est actuellement à l'étude par le CAA jusqu'au 19 octobre 2024.

Pour en savoir plus, consultez ces liens :

Par Maître Marie-Paule GILLEN, Partner – Avocat à la Cour, Maître Frédéric SEINCE, Avocat, et M. Ben GUEDES RIBEIRO, Juriste stagiaire.