L’obligation première du salarié est d’être présent sur son lieu de travail. Or, le télétravail supposant en principe d’effectuer son travail à domicile, comment l’employeur peut-il constater une absence injustifiée? La Cour d’appel a récemment eu l’occasion d’apprécier une telle situation.
Dans le cadre des relations de travail, le salarié a l’obligation de prester son travail au lieu convenu avec l’employeur, cette obligation du salarié étant de résultat. [1]
Ainsi, à défaut de se présenter sur son lieu de travail sans raison valable (telle que l’absence pour maladie par exemple), le salarié se trouve en absence injustifiée, qui peut être sanctionnée – selon les circonstances – par une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement avec effet immédiat. [2]
Cependant, qu’en est-il lorsque le lieu de travail convenu est le domicile du salarié?
L’affaire commentée concernait un salarié qui, suite à un reclassement interne, avait convenu avec son employeur au courant de l’année 2011 que son lieu de travail se situerait à son domicile.
Le 2 février 2017, suite à une incapacité de travail de plusieurs mois, le salarié a informé l’employeur par courriel que son arrêt de travail n’avait pas été reconduit et lui a demandé de lui fournir du travail qu’il pourrait effectuer à la maison ainsi que son décompte de congés non pris.
L’employeur lui a répondu le 6 février 2017 en lui indiquant qu’il allait revenir vers lui dès que possible concernant son solde de congés non pris (sans pourtant lui fournir du travail). Le 8 février 2017, l’employeur lui a envoyé son bulletin de salaire et lui a transmis, le 10 février 2017, son solde de congés non pris ainsi qu’un formulaire de demande de congé. Le même jour, le salarié a informé l’employeur qu’il serait en congé du 13 au 27 février 2017 inclus.
Ensuite, du 1er au 31 mars 2017, le salarié a été en incapacité de travail pour cause de maladie. Le 27 mars 2017, l’employeur a été informé par la CNS [3] que le salarié avait été considéré comme capable de reprendre le travail à partir du 1er avril 2017.
Après la fin de cet arrêt de travail, le salarié – qui devait reprendre le travail le lundi 3 avril 2017 – ne s’est pas manifesté auprès de l’employeur.
L’employeur a alors procédé, en date du 10 avril 2017, au licenciement avec effet immédiat du salarié pour ne pas avoir repris l’exercice de ses fonctions et l’avoir laissé sans nouvelles par rapport à la reprise du travail, l’exécution de la prestation de travail étant une obligation de résultat.
La sanction prise par l’employeur semble compréhensible alors qu’il:
- appartient au salarié de se manifester auprès de l’employeur après la fin du certificat médical [4] ;
- est généralement admis par la jurisprudence qu’une absence injustifiée d’environ une semaine est suffisante pour justifier un licenciement avec effet immédiat [5] .
Cependant, la Cour a retenu que «s’il incombait au salarié, au plus tard le 3 avril 2017, de se manifester auprès de l’employeur, par courriel ou par téléphone ou même en personne, afin de s’enquérir du travail à faire chez lui, rien n’empêchait l’employeur, qui n’avait plus reçu de certificat médical après le 31 mars 2017 et qui avait été informé par la Caisse Nationale de Santé le 27 mars 2017 que le salarié était apte à reprendre le travail à partir du 1er avril 2017, de lui fournir du travail à effectuer à la maison. Or, tel ne fut pas le cas. Force est d’ailleurs de constater que suite à la demande du salarié en date du 2 février 2017, l’employeur ne lui avait pas non plus transmis de travail à faire, bien que le salarié ait été à sa disposition jusqu’au 12 février 2017.»
Une telle appréciation semble assez surprenante alors qu’en principe, l’employeur n’a aucune obligation de se manifester auprès du salarié après un arrêt de travail, cette obligation pesant exclusivement sur le salarié. Il a d’ailleurs été retenu à cet égard qu’imposer à l’employeur de prendre l’initiative lors de l’absence d’un salarié et de s’enquérir du caractère justifié ou non de cette absence irait à l’encontre du sens et de la lettre de l’article L. 121-6 (1) et (2) du Code du travail qui impose des obligations précises au salarié en matière d’incapacité de travail et non à l’employeur. [6]
La Cour a néanmoins retenu qu’en l’espèce l’attitude passive du salarié, qui ne s’est pas manifesté auprès de l’employeur à la fin de son congé de maladie, n’est pas de nature, eu égard aux circonstances et au désintérêt manifeste de l’employeur, à constituer une faute grave dans son chef justifiant un licenciement avec effet immédiat.
En conclusion: S’il s’agit ici probablement d’une appréciation particulière de la Cour en raison des circonstances de fait ayant entouré le licenciement, il n’en demeure pas moins qu’il est recommandé aux employeurs d’être particulièrement vigilants lors de la reprise du travail d’un salarié en télétravail.
À cet égard, la généralisation du télétravail, qui vient d’ailleurs de se manifester par la signature de la nouvelle convention conclue entre l’UEL, l’OGBL et le LCGB en date du 20 octobre 2020, nécessitera une vigilance particulière des employeurs.
Cour d’appel, 29 octobre 2020, n°CAL-2018-00421 du rôle
Écrit par Me Noémie Haller - Avocat à la Cour, Counsel - CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg
[1] Cour d’appel, 5 mars 2020, n°CAL-2019-00684 du rôle; Cour d’appel, 11 octobre 2018, n°43116 du rôle.
[2] Cour d’appel, 5 mars 2020, n°CAL-2019-00684 du rôle; Cour d’appel, 11 octobre 2018, n°43116 du rôle; Cour d’appel, 16 février 2012, n°35554 et 37536 du rôle.
[3] Caisse Nationale de Santé.
[4] Cour d’appel, 16 février 2012, n°35554 et 37536 du rôle.
[5] Cour d’appel, 6 octobre 2005, n°28913 du rôle; Cour d’appel, 2 mai 2013. N°38860 et 38950 du rôle.
[6] Cour d’appel, 16 février 2012, n°35554 et 37536 du rôle.