La correspondance échangée à partir de l’équipement professionnel qui n’est pas identifiée comme privée est présumée être de nature professionnelle. De ce fait, l’employeur y a librement accès et pourra, le cas échéant, s’en prévaloir à des fins disciplinaires. Ce principe a une fois de plus été rappelé par la Cour d’appel.
1. Les faits
Dans cette affaire, l’employeur avait résilié la période d’essai d’une salariée et l’avait dispensée de préavis.
Après avoir récupéré l’ordinateur portable de la salariée, la secrétaire de direction avait constaté qu’il était encore allumé, librement accessible (le mot de passe était affiché sur l’écran), et qu’une discussion entre la salariée et l’une de ses collègues avait été ouverte via l’application de messagerie instantanée WhatsApp.
Or, les communications échangées révélaient les propos gravement injurieux, irrespectueux et dénigrants que la salariée avait tenus à l’endroit de plusieurs collaborateurs (dont la secrétaire de direction) et de son employeur.
La salariée ayant, entre temps, notifié son état de grossesse et fait valoir l’annulation de la résiliation de la période d’essai, l’employeur lui a notifié une mise à pied avec effet immédiat avant de saisir le Tribunal du travail d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail [1] .
2. L’employeur pouvait-il invoquer les communications WhatsApp pour sanctionner la salariée ?
En première instance, l’employeur s’est vu débouter de sa requête au motif, d’une part, que les messages incriminés étaient de nature privée, et d’autre part, que le seul fait que l’application de messagerie ait été librement accessible et que les messages affichés ou transmis par le biais de l’ordinateur professionnel ne matérialisait pas l’intention de la salariée d’en divulguer le contenu.
Le Tribunal en a conclu que la preuve de la faute avait été recueillie en violation du « secret des correspondances », de sorte que l’employeur ne pouvait pas s’en prévaloir pour justifier la mise à pied de la salariée.
Pour rappel, il est de jurisprudence constante que, même lorsque le salarié fait un usage privé de son équipement professionnel (ordinateur, GSM, connexion Internet, etc.), l’employeur n’est pas en droit d’accéder à la correspondance ou aux fichiers expressément identifiés comme privés, au risque de s’exposer à des sanctions judiciaires, y compris de nature pénale [2] .
Tout en réaffirmant le principe de la protection de la correspondance privée du salarié, la Cour d’appel adopte cependant une grille d’analyse tout à fait distincte de celle du Tribunal du travail avant de conclure à la validité de la preuve constituée par les communications WhatsApp de la salariée.
3. Les communications qui ne sont pas spécifiquement identifiées comme privées constituent une preuve valide
Contrairement au Tribunal, la Cour a considéré qu’en choisissant de se connecter à l’application privée WhatsApp depuis son ordinateur professionnel, en n’identifiant pas les communications afférentes comme privées et en les laissant librement accessibles, la salariée a « nécessairement conféré à ces messages un caractère professionnel, non protégé par le secret des correspondances ».
À cela s’ajoute le fait que la salariée n’a pas démontré avoir informé l’employeur de la présence d’une application de messagerie privée dans son ordinateur professionnel, ni sollicité la possibilité d’en effacer le contenu.
Cet arrêt, dont la solution s’inscrit dans la logique de décisions antérieures [3] de la Cour d’appel, fournit toutefois un éclairage intéressant sur le raisonnement adopté par cette dernière.
Ainsi, avant d’invoquer une correspondance litigieuse à l’appui d’une sanction disciplinaire, l’employeur devrait systématiquement analyser les circonstances de la découverte de son contenu (p.ex. motifs de l’accès au matériel du salarié) ainsi que les éventuelles dispositions prises par le salarié (p.ex. intitulés des messages, protection par mot de passe, etc.).
En effet, cet arrêt illustre l’influence que le contexte factuel aura sur l’appréciation par le juge du caractère privé ou non de la correspondance et donc, de la légitimité de l’employeur à s’en prévaloir comme preuve.
Écrit par Me Marie Behle Pondji, Avocat à la Cour, Counsel, CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg
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[1] Article L. 337-1 (2) du Code du travail
[2] Voir arrêt de la Cour d'Appel, 5ème Chambre siégeant en matière correctionnelle, du 28 avril 2015 n° 159/15
[3] Voir notamment arrêts de la Cour d’appel du 12 novembre 2015, n°41245 et du 31 mai 2018, n°43972