Mise en congé du salarié licencié avec préavis

Source : AGEFI du mois d'avril 2022
19 avril 2022 par
vanessa Icardi Serrami

En l’absence de dispense d’exécuter le travail, l’employeur peut solder le congé ainsi que le repos compensatoire non pris par le salarié pendant la durée du préavis.

Le salarié licencié avec préavis peut accepter d’être mis en congé, voire contraint en cas de congé collectif, et ce afin de solder le congé et le repos compensatoire qu’il a accumulés antérieurement, le tout en l’absence de dispense de travail pendant le préavis1 .

En l’espèce, un salarié employé dans le secteur du bâtiment et, à ce titre, soumis à la Convention Collective pour le bâtiment, fut licencié avec préavis par lettre du 11 juillet 2018. Son préavis commença le 15 juillet 2018 et se termina le 14 septembre 2018, avec cette précision que l’employeur fut soumis, à cette époque, au congé collectif d’été du 27 juillet au 19 août 2018.

Dans la lettre de licenciement du 11 juillet 2018, l’employeur informa le salarié que celui-ci ne devait plus se présenter au travail à compter du 13 juillet afin d’apurer ses jours de congés payés et ses jours de récupération pour heures supplémentaires prestées. L’employeur plaça donc son salarié en congé à partir du 13 juillet, sans par ailleurs le dispenser expressément de travail pendant le préavis. Le salarié ne se présenta plus au travail à compter du 13 juillet 2018 et ne contesta pas formellement sa mise en congé.

Le salarié déposa une requête au greffe de la Justice de Paix de Luxembourg sur le fondement de l’article L.233-10 du Code du travail le 27 septembre 2019 et demanda condamnation de l’employeur à lui payer 7.212,31 € au titre des heures supplémentaires non rémunérées, ainsi que 2.630,40 € au titre d’une indemnité compensatoire de congé non pris.

Par jugement contradictoire du 23 novembre 2020, la juridiction de première instance déclara les demandes du salarié non fondées. Ce dernier interjeta appel et soutint que l’employeur lui avait accordé une dispense de travail pendant le préavis et qu’en l’absence d’accord de sa part pour imputer le congé non pris ainsi que le repos compensatoire sur la période de préavis, ses demandes indemnitaires étaient fondées.

La Cour était donc appelée à se prononcer sur la faculté pour l’employeur d’imputer le congé non pris et le repos compensatoire sur la période de préavis non assortie d’une dispense d’exécution du travail.

I) Le congé décidé par l’employeur pendant le préavis.

Pour que le salarié bénéficie de la faveur que représente la dispense de travail pendant le préavis, il faut un acte positif de l’employeur (A). À défaut d’une telle dispense, le salarié qui ne se présente pas au travail est considéré comme ayant accepté le congé (B).

A) Preuve de la dispense de travail.

L’article L.124-9 (1) alinéa 1er du Code du travail dispose que « (…) La dispense doit être mentionnée dans la lettre recommandée de licenciement ou dans un autre écrit remis au salarié. ». Cet écrit est prescrit à titre de validité et à titre de preuve, même si certaines jurisprudences de la Cour d’appel ont pu estimer qu’en l’absence d’écrit le salarié pouvait rapporter la preuve de la dispense de préavis par tous moyens (en ce sens CA, 7 mars 2013, n°36182 du rôle dans lequel la Cour se fonde sur des attestations testimoniales en l’absence d’écrit d’une dispense de travail), ce qui n’était pas le cas dans l’affaire commentée.

En l’espèce, la Cour d’appel considéra que la lettre de licenciement du 11 juillet 2018 avait été rédigée en termes clairs et non équivoques et qu’aucune dispense de travail n’avait été accordée. La Cour d’appel rappela que l’employeur avait précisé vouloir imputer le congé non pris ainsi que les jours de repos compensatoires sur la période de préavis.

B) La mise en congé du salarié.

A la date de la lettre de licenciement, le salarié était créditeur de quinze jours de congés non pris et de deux cent trente-cinq heures supplémentaires prestées, points sur lesquels l’employeur acquiesça sans réserve.

Toutefois, en première instance, le salarié contesta l’imputation de son congé et de son repos compensatoire sur la période de préavis en se fondant sur les dispositions de l’article L.233-10 du Code du travail. Cet article dispose que le congé est en principe fixé selon les désirs du salarié et ce n’est que si les besoins du service et les désirs justifiés d’autres salariés de l’entreprise s’y opposent que le congé peut être reporté.

La jurisprudence antérieure (CA, 23 janvier 1997, N°19489 du rôle) avait jugé qu’il n’est pas possible de déduire de la seule attitude passive du salarié, c’est-à-dire de son défaut de se présenter sur le lieu du travail, son consentement tacite à prendre congé pendant le délai de préavis ainsi que l’employeur l’avait décidé.

En l’espèce, la Cour permet à l’employeur de décider « unilatéralement » de mettre son salarié en congé. Comme le juge la Cour d’appel, la lettre de licenciement était claire : « Pour apurer ses jours de congés payés et ses jours de récupération, Mr A (le salarié) ne se présentera plus au bureau et ce à partir du 13 juillet 2018 (…) ».

L’objectif du congé annuel est de protéger la sécurité et la santé des salariés. Pour cette raison, le congé doit être pris en nature. Ce n’est que dans l’hypothèse d’un départ du salarié que ce congé peut être remplacé par une indemnité de congé non pris. Et dans ce cas, c’est à la fin du contrat de travail que le salarié a droit à une indemnité correspondant au congé qui lui est encore dû (notamment CA, 25 mars 1999, N°22002 du rôle et CA, 31 mars 2011, N°35911 du rôle).

Or, dans l’affaire commentée, d’une part, le salarié n’avait émis aucune protestation contre cette mise en congé décidée dans la lettre de licenciement, et, d’autre part, il ne s’était plus présenté sur le lieu de travail à compter du 13 juillet 2018.

De ces deux constatations, la Cour d’appel en a déduit que le salarié avait marqué son accord pour prendre son congé pendant la période de préavis. Rappelons que le salarié était créditeur de quinze jours de congés, lesquels ont pu être imputés sur la période de congé collectif applicable à l’entreprise entre le vendredi 27 juillet 2018 et le dimanche 19 août 2018.

II) L’imputation du congé non pris et des heures supplémentaires sur la période de préavis.

L’employeur étant soumis au congé collectif n’avait d’autre choix que de mettre le salarié en congé pendant cette période règlementaire afin de déduire le congé non pris (A). En dehors de cette période de congé collectif, l’employeur a pu accorder du temps de repos pour compenser les heures supplémentaires effectuées par le salarié (B).

A) L’imputation du congé non pris sur le congé collectif.

L’art. L.233-10 alinéa 2 dispose que « En cas de fermeture de l’entreprise pour congé annuel, la période du congé collectif doit être fixée d’un commun accord entre l’employeur et les salariés ou les délégations du personnel s’il en existe. Elle doit être notifiée aux salariés au plus tard au courant du premier trimestre de l’année de référence. »

Or, dans le secteur du bâtiment est applicable une Convention Collective dont les avenants déterminent les périodes de congés collectifs. Ces périodes s’imposent aussi bien aux employeurs qu’aux salariés, étant précisé que les avenants successifs de la Convention collective ont valeur obligatoire par Règlement Grand-Ducal.

La Cour d’appel en déduit qu’il ne peut pas être fait grief à l’employeur d’avoir imputé le congé non pris sur la période du congé collectif allant du 27 juillet au 19 août 2018 (soit 15 jours de congé plus le jour férié du 15 août). Restait donc à la Cour le soin de statuer sur le sort des heures supplémentaires effectuées par le salarié.

B) Droit au paiement des heures supplémentaires non récupérées.

En l’espèce, le salarié a partiellement obtenu gain de cause devant la Cour d’appel, laquelle nous rappelle les règles d’indemnisation d’un salarié licencié dont les heures supplémentaires n’ont pu être entièrement récupérées.

Le principe est que les heures supplémentaires doivent être compensées par un repos rémunéré, à raison d’une heure et demie par heure de travail supplémentaire. En l’espèce, le congé accordé ne couvrant pas l’intégralité du repos compensatoire redû au salarié, ce dernier a pu obtenir une indemnisation pour le solde restant dû.

En conclusion, la Cour d’appel nous enseigne que le salarié qui ne se présente pas au travail et qui ne peut apporter une preuve écrite de sa dispense de travail pendant la période de préavis, s’expose au risque de voir son congé non pris ainsi que son repos compensatoire imputés sur la période de préavis.

Par Me Julien NEUBAUEUR, Avocat à la Cour, CASTEGNARO-IUS LABORIS Luxembourg

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1 Cour d’Appel, 3 février 2022, numéro CAL-2021-00087 du rôle