Résilier le contrat de travail pendant l’essai est possible pour l’employeur, selon des modalités en principe simples. En revanche, la résiliation éventuelle du contrat à l’essai devient beaucoup plus à risque lorsqu’elle est notifiée immédiatement après la fin de la protection de la salariée enceinte. Toute erreur de calcul des périodes de protection et d’essai peut avoir de graves conséquences sur la validité de la résiliation du contrat de travail.
1. La suspension de la période d’essai
En premier lieu, que se passe-t-il lorsque la salariée tombe enceinte pendant la période d’essai d’un contrat à durée indéterminée ? Dans ce cas, la période d’essai est suspendue à partir du jour de la remise à l’employeur du certificat médical attestant la grossesse, jusqu’au début du congé de maternité. La fraction de la période d’essai restant à courir reprend son cours à la fin de la période d’interdiction de licenciement(1).
1.1. Date de début de la suspension du contrat à l’essai
La seule date à retenir pour déterminer le début de la suspension du contrat à l’essai est la date de remise du certificat médical attestant la grossesse. Ainsi, la simple information orale(2) ou par e-mail de l’employeur par la salariée n’est pas suffisante si elle ne s’accompagne pas de la preuve médicale.
A titre d’exemple, si une salariée informe préalablement son employeur, mais ne lui transmet le certificat médical attestant de sa grossesse que 15 jours plus tard, la suspension de la période d’essai n’est pas rétroactive. Elle ne commencera à courir qu’à compter du jour de la remise effective du certificat médical.
Si l’envoi par lettre recommandée n’est en principe pas une formalité substantielle, il n’en reste pas moins que l’information de l’employeur doit être faite par écrit et qu’un certificat médical écrit doit lui être transmis(3). La remise du certificat médical s’effectue en principe soit par lettre recommandée, soit par remise en mains propres contre signature par l’employeur d’un accusé de réception. L’envoi par fax à l’employeur du certificat médical attestant la grossesse a également été admis(4).
Enfin, la période d’essai n’étant suspendue qu’à compter de la remise effective du certificat médical, l’employeur informé de l’état de grossesse de la salariée mais ne possédant pas encore le certificat médical, pourrait être amené à résilier le contrat à l’essai avant la production du certificat médical. Cependant, si l’employeur résilie le contrat à l’essai avant la production du certificat médical, la salariée dispose de la faculté de justifier son état de grossesse par la production d’un certificat médical par lettre recommandée dans un délai de 8 jours à compter de la notification(5).
1.2. Date de fin de la suspension du contrat à l’essai
La fraction de la période d’essai restant à courir reprend son cours à la fin de la période d’interdiction de licenciement(6), c’est-à-dire à la fin d’une période de 12 semaines suivant l’accouchement(7).
A ce titre, la protection contre le licenciement s’applique dès la remise du certificat médical attestant de la grossesse, puis pendant toute la durée de la grossesse, et se prolonge pendant les 12 semaines qui suivent l’accouchement.
En pratique, la salariée est absente pendant le congé de maternité, qui est constitué d’un congé prénatal d’un délai minimum de 8 semaines précédant la date présumée de l’accouchement(8), et d’un congé postnatal d’une durée de 8 semaines à compter de la date de l’accouchement indiqué par le certificat médical(9).
Il s’en suit que la salariée peut être amenée à revenir travailler dès l’expiration de son congé maternité, soit 8 semaines après l’accouchement. Néanmoins, cette dernière reste protégée contre la résiliation de son contrat à l’essai pendant les 4 semaines restantes, étant donné que la protection est prévue pendant une période de 12 semaines suivant l’accouchement.
Par conséquent, la fin de la protection contre le licenciement et ainsi la fin de la suspension du contrat à l’essai correspond à l’expiration des 12 semaines suivant la date effective de l’accouchement (et non la date originairement prévue)(10).
En pratique, afin de déterminer la date exacte d’expiration des 12 semaines suivant l’accouchement, il convient de s’interroger sur le point de départ des 12 semaines, à savoir la prise en compte du jour même de l’accouchement, ou du lendemain, comme premier jour des 12 semaines.
Selon la Caisse nationale de santé, la date effective de l’accouchement (à 00h) constitue le point de départ pour déterminer la date d’expiration des 12 semaines suivant la date de l’accouchement.
Par exemple, si la salariée a accouché le lundi 3 mars 2014, la période de protection expirera, selon la Caisse nationale de santé, le dimanche 25 mai 2014 (à 24h). La période d’essai recommencera à courir à compter du lundi 26 mai 2014, premier jour possible de résiliation du contrat de travail.
Le calcul retenu par la Caisse nationale de santé n’est cependant pas toujours suivi par les juridictions du travail(11), qui ont appliqué dans certains cas, la méthode de computation des délais(12) au calcul des périodes de protection. Selon cette méthode de calcul, le délai court à partir du « dies a quo » (jour à partir duquel le délai commence à courir), à minuit (24h), jusqu’au « dies ad quem » (jour où le délai expire), à minuit (24h).
Ainsi, si la salariée a accouché le lundi 3 mars 2014, la période de protection expirera le lundi 26 mai 2014 (à 24h). La période d’essai recommencera à courir seulement à compter du mardi 27 mai 2014.
Contrairement à l’hypothèse précédente, une résiliation notifiée le 26 mai 2014 serait, selon ce mode de calcul, abusive ou nulle. En effet, lorsque le contrat à l’essai est résilié avant la fin de la 12ème semaine suivant la date de l’accouchement, la salariée a la possibilité de saisir par simple requête le Président du tribunal du travail dans un délai de 15 jours à compter de la résiliation du contrat, en demandant de constater la nullité de la résiliation et d’ordonner son maintien, et le cas échéant, sa réintégration(13).
Ce n’est que le lendemain du dernier jour de protection, que le contrat à l’essai de la salariée peut le cas échéant être valablement résilié(14).
2. Calcul de la fraction de la période d’essai restant à courir
A l’issue de la période de protection, la fraction de la période d’essai restant à courir reprend son cours.
Il convient donc de déterminer le nombre de jours qui n’avaient pas encore été prestés par la salariée dans le cadre de son contrat à l’essai à partir du jour de la remise du certificat médical de grossesse(15) jusqu’à la date initiale d’expiration de la période d’essai, puis de reporter ce nombre de jours à la fin de la période de protection.
A titre d’exemple, la période d’essai est d’une durée initiale de 6 mois du 6 mars 2013 au 5 septembre 2013 au soir. La salariée remet son certificat médical à son employeur le 20 juillet 2013. Ainsi, 48 jours d’essai n’ont pas été prestés par la salariée et correspondent à la durée de la période d’essai restante. Au lendemain de l’expiration des 12 semaines de protection, le contrat à l’essai se poursuit pendant 48 jours.
En dernier lieu, ce calcul doit également tenir compte des périodes éventuelles de suspension de l’exécution du contrat d’essai(16) ayant eu lieu avant la remise du certificat médical attestant de l’état de grossesse.
En effet, en cas de suspension de l’exécution du contrat pendant la période d’essai (pour cause de maladie, accident et/ou congés)(17), cette dernière doit être « prolongée d’une durée égale à celle de la suspension, sans que la prolongation ne puisse excéder un mois »(18). A ce titre, il convient d’ajouter le nombre de jours, ou au maximum un mois, au nombre de jours restants à courir avant l’expiration de la période d’essai.
De ce fait, dans l’exemple précédent, si la salariée a été en incapacité de travail pendant 2 jours entre le 6 mars 2013 et le 20 juillet 2013, il conviendra de reporter 50 jours à la fin de la période de protection, pour déterminer la date d’expiration de la période d’essai.
Par conséquent, si l’employeur souhaite le cas échéant résilier le contrat à l’essai, il doit veiller à notifier la résiliation :
(i) après l’expiration de la période de protection dont bénéficie la salariée enceinte, à défaut, la résiliation antérieure à l’expiration de la période de protection (même d’un jour) peut être déclarée nulle ou abusive ;
(ii) mais également avant l’expiration de la période d’essai, tout en respectant le délai de préavis applicable(19). En effet, en cas de dépassement du délai de préavis, le contrat à l’essai est requalifié en contrat à durée indéterminée(20).
Ainsi, le calcul des périodes de protection et d’essai est loin d’être anodin, alors qu’il peut remettre en cause la validité de la résiliation du contrat de travail.
Me Guy Castegnaro et Me Ariane Claverie
1 L’article L.337-3 du Code du travail limite ce cas de suspension de l’essai aux contrats de travail à durée indéterminée. Les dispositions relatives à la protection contre le licenciement de la femme enceinte ne font pas obstacle à l’échéance du contrat de travail à durée déterminée (article L. 337-2 du Code du travail).
2 Ordonnance du Président de la 3ème chambre de la Cour d’appel du 14 octobre 2010, que nous avons commentée par notre article du mois d’octobre 2010.
3 L’article L. 331-2 du Code du travail définit la « femme enceinte » comme toute femme salariée en état de grossesse, qui a informé son employeur de son état par certificat médical envoyé par lettre recommandée à la poste. Le Président de la 3ème chambre de la Cour d’appel a ainsi retenu ce qui suit : « si l’ordonnance entreprise a correctement retenu que l’envoi d’une lettre recommandée n’est pas une formalité substantielle et n’exclut pas d’autres modes de preuve, il convient cependant de déduire du texte formel de l’article L331-2 du code du travail que l’information de l’employeur doit être faite par écrit et que notamment un certificat médical, établi nécessairement sous forme d’un écrit, doit lui être transmis » (Ordonnance du Président de la 3ème chambre de la Cour d’appel du 14 octobre 2010).
4 Ordonnance du Président de la 3ème chambre de la Cour d’appel du 14 octobre 2010.
5 Article L.337-1 (1) du Code du travail. Un recours en nullité de la résiliation est ouvert à la salariée.
6 Article L.337-3 du Code du travail. Le principe de protection des femmes enceintes contre un licenciement est également applicable au cours de la période d’essai (article L. 121-5 (4), du Code du travail).
7 Article L.337-1 (1) du Code du travail.
8 Article L.332-1 du Code du travail.
9 Article L.332-2 du Code du travail. La durée du congé postnatal est portée à douze semaines en cas d’accouchement prématuré ou multiple ainsi que pour la mère allaitant son enfant.
10 Article L.337-1 (1) du Code du travail.
11 Cour d’Appel, 9 novembre 1995, n°17014 du rôle (calcul de protection de 12 semaines suivant l’accouchement), Cour d’Appel, 30 novembre 2006 n°29795 du rôle (calcul du délai de protection de 26 semaines à partir du jour de la survenance de l’incapacité de travail).
12 Loi du 30 mai 1984 portant approbation de la convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, Mémorial 1984, 923.
13 L’article L.121-5 (4) du Code du travail, relatif à la période d’essai, renvoie à l’article L.337-1 (1) du Code du travail, sur la protection de la femme enceinte et accouchée contre le licenciement. Alternativement, la salariée pourrait en principe exercer un recours en résiliation abusive. Ainsi, la salariée enceinte est en droit d’invoquer la nullité de la résiliation, mais elle n’est pas obligée de le faire. S’agissant en effet d’une mesure de protection qui lui est propre, elle est libre de ne pas l’invoquer. Elle sera alors en principe en droit d’intenter l’action judiciaire visant à voir déclarer la résiliation abusive. Cependant, l’exercice d’une action exclut celui de l’autre (Cour d’appel, 31 mars 2011, n°34937 du rôle et 1er décembre 2011, n°36402 du rôle). Cette jurisprudence concerne le licenciement d’une femme enceinte et non une résiliation pendant l’essai. Néanmoins, le principe de la non-discrimination de la femme enceinte qui doit pouvoir exercer l’action judicaire de droit commun en réparation de la résiliation abusive du contrat de travail au même titre que les autres salariés serait par analogie applicable au contrat à l’essai.
14 Sous réserve que la salariée ne soit pas en incapacité de travail (cf. Article AGEFI du mois d’avril 2014).
15 Article L.337-3 du Code du travail. Les périodes de protection et de suspension commençant le jour de la remise du certificat médical de grossesse, le calcul de la fraction de la période d’essai restant à courir doit en principe inclure ce jour.
16 Article AGEFI du mois d’avril 2014.
17 En principe, la période d’essai est prolongée non seulement en cas d’incapacité de travail du salarié, mais également en cas de congé de récréation éventuellement accordé au salarié pendant la période d’essai. En effet, d’une part, le Code du travail ne limite pas les cas de suspension de l’essai à la seule situation de l’incapacité de travail, et d’autre part, le projet de loi relatif à l’article L. 121-5 du Code du travail précise bien que tous les cas de suspension du contrat de travail sont visés (« Enfin, le texte reprend la solution jurisprudentielle de la prorogation de la période d’essai dans le cas où elle a été suspendue notamment pour incapacité de travail du salarié. (…) La solution est applicable dans toutes les hypothèses de suspension temporaire du contrat à l’essai. » Projet de loi n°3222, Commentaire des articles, pp. 28 et 29).
18 Article L. 121-5 du Code du travail.
19 La période de préavis s’élève à autant de jours que compte la période d’essai de semaines lorsque la période d’essai est exprimée en semaines et à 4 jours par mois d’essai convenu sans pouvoir être inférieure à 15 jours et sans devoir excéder 1 mois, lorsque la période d’essai est exprimée en mois.
20 Article L.121-5 (5) du Code du travail.