Le gouvernement luxembourgeois vient d’annoncer l’état de crise le 17 mars 2020 et, afin de limiter les difficultés d’entreprises, il met en place des aides au chômage partiel et des mesures fiscales en soutien aux entreprises et aux indépendants face à la pandémie du covid-19.
Au regard de l’ampleur de la crise économique, ces mesures peuvent apparaître insuffisantes et n’éviteront sans doute pas la « mort » des PME et des petites structures d’indépendants, aux trésoreries trop maigres et en proie aux paiements de charges non reportables.
Le chômage partiel n’empêchera pas, vraisemblablement, le prononcé de licenciements massifs.
Devant les juridictions luxembourgeoises, les débiteurs (dont le centre des intérêts principaux se situe à Luxembourg) assignés en faillite n’ont d’autre choix que de payer à brefs délais ou de se retrouver en liquidation…
Cette situation, qui était déjà fort critiquable avant la pandémie, est aujourd’hui inacceptable.
Il est choquant de ne laisser aux sociétés aucune chance de redressement lorsqu’elles sont assignées en faillite ou lorsqu’elles présentent une mesure telle que le concordat, la gestion contrôlée ou le sursis de paiement.
Les professions libérales qui n’exercent pas sous forme de société, doivent également pouvoir bénéficier de mesures de redressement judiciaire ou de toutes autres mesures alternatives à la faillite.
La loi luxembourgeoise est obsolète depuis des années (malgré la conformité avec le Règlement UE 2015/848 du Parlement et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité) et les projets de réformes successifs ont échoué.
Aujourd’hui, le législateur doit en urgence réformer cette loi au regard de la crise actuelle. Pour l’avenir, il s’agira d’une avancée importante.
Les mesures alternatives à la faillite sont en pratique peu utilisées.
La loi belge a été étudiée par les experts afin de réformer la loi luxembourgeoise sur les procédures collectives.
Or le véritable succès de le loi française du 26 juillet 2005 et ses aménagements ultérieurs, pourraient servir de bases à une réforme luxembourgeoise urgente.
Les avantages de la loi française sont notamment de permettre au débiteur malheureux assigné en liquidation de pouvoir bénéficier de plan de redressement ou de délais lui permettant de se trouver ‘’in bonis’’.
L’esprit de cette loi de sauvegarde des entreprises est de moderniser la matière et de prévenir judiciairement les difficultés. La loi incite à la négociation par la voie de la conciliation et permet d’envisager une procédure de sauvegarde. Procédure qui a permis d’éviter la liquidation à des très nombreuses entreprises et conséquemment à préserver de nombreux emplois même au sein de grands groupes .
Au fil des années les juges des tribunaux ou des chambres commerciales des TGI français de sont montrés très compréhensifs envers les chefs d‘entreprise. Plutôt qu’un « droit sanction », le droit français des procédures collectives est devenu un « outil de gestion » à destination des entreprises.
Avant la crise de 2008, les chefs d’entreprises avaient l’impression d’être de « véritables délinquants » devant les juridictions commerciales.
Mais pendant et après cette crise, le climat judicaire s’est apaisé.
Dans la grande majorité des hypothèses, le chef d’entreprise est en difficulté en dehors de sa volonté, du fait de circonstances extérieures qu’il ne peut pas maitriser. Il doit être aidé et soutenu et les juges français l’ont bien compris.
La notion même de cessation des paiements a été appréciée avec plus de clémence par les juridictions quant à la date de cette cessation.
Les poursuites du parquet en France pour non-respect de la date de cessation des paiements sont extrêmement rares et les faits sont appréciés avec indulgence par les juridictions du siège. Les pratiques judiciaires luxembourgeoises sont moins dociles, elles devront pourtant s’adapter aux données nouvelles liées à la crise actuelle.
De même, le droit pénal relatif à la responsabilité du chef d’entreprise pourrait être réformé, notamment concernant la banqueroute frauduleuse et au regard d’autres infractions pénales ayant trait aux difficultés des entreprises.
Si la loi est modifiée, la pratique devant les juridictions devra également être plus en adéquation et devra permettre d’apprécier avec plus d’indulgence les difficultés auxquelles les chefs d’entreprises et les indépendants se trouvent confrontés, difficultés qui sont hélas révélées au grand jour du fait de la pandémie du Covid-19.
Plus d’un acteur économique exerçant son activité au Luxembourg, de longue date ou récemment installé en raison de l’attrait que représente ce pays, pourrait être fort surpris et fort déçu de découvrir le droit des difficultés des entreprises à Luxembourg. Cette situation n’est pas un vecteur très porteur pour l’économie d’un pays.