Un arrêt de la Cour d’appel du 20 juin 2013 (1) a récemment suscité de graves mésinterprétations. Pour rappel, il s’agissait d’une salariée qui, le 14 juillet 2009 au matin, avait informé son employeur par téléphone qu’elle ne se sentait pas bien et qu’elle allait consulter un médecin. Le même jour, dans l’après-midi, la salariée s’est vue notifier son licenciement avec effet immédiat. La Cour d’appel a considéré que le licenciement était abusif, car notifié pendant la période de protection contre le licenciement du fait de l’incapacité de travail(2).
Peut-on en déduire, comme certains n’ont pas hésité à le faire(3), que tout salarié peut s’absenter librement pendant au moins un jour sans fournir aucun justificatif, et qu’il doit être rémunéré pendant cette période ?
1. Période de protection contre le licenciement en cas d’incapacité de travail
Il est dans l’intérêt du salarié d’informer son employeur et de produire un certificat médical, afin de déclencher une protection contre un éventuel licenciement. En effet, lorsque le salarié entend se prévaloir de la protection contre le licenciement pour incapacité de travail, il lui appartient de prouver :
- qu’il a informé son employeur de son incapacité de travail le premier jour de son absence,
- et qu’il lui a remis un certificat médical dans les trois jours, portant indication de la durée prévisible de son absence(4).
1.1. Une protection «provisoire» accordée au salarié si ce dernier informe son employeur dès le premier jour d’absence
Dans son arrêt du 20 juin 2013, la Cour d’Appel rappelle que le bénéfice de la protection contre le licenciement en cas d’incapacité de travail se déclenche dès l’information de l’absence le premier jour, sans que le salarié ait à remettre un certificat médical le jour même ou le lendemain, conformément aux dispositions de l’article L.121-6 (1) et (2) du Code du travail(5). En effet, le délai pour remettre le certificat médical étant de trois jours, l’employeur n’est pas autorisé à réduire ce délai à un ou deux jours. Ainsi, le fait que l’absence du salarié soit de un, deux, trois jours ou plus, n’a aucune incidence sur le délai de remise du certificat médical : le délai de remise est toujours de trois jours fixes, courant à partir du premier jour d’absence inclus.
A compter de l’information de l’employeur le premier jour de l’incapacité de travail, le salarié bénéficie d’une protection « provisoire » contre le licenciement, qui couvre le restant du premier jour d’absence, le deuxième ainsi que le troisième jour d’absence, le cas échéant. C’est ce qu’indique la Cour d’appel dans son arrêt du 20 juin 2013 : « Le salarié qui a informé son employeur de sa maladie dès le premier jour est donc protégé contre le licenciement jusqu’à l’expiration du troisième jour d’absence. »
La Cour ajoute cependant ce qui suit : « Le salarié n’étant pas obligé de produire un certificat de maladie dès le premier jour, il est lui-même juge de son état de santé du premier jour. Il suffit partant que pour obéir aux exigences de l’article L.121-6.(1) du code du travail qu’il informe son employeur ou le représentant de celui-ci que son absence s’explique par son état de santé déficient et il n’a pas besoin de faire confirmer cet état de santé déficient du premier jour par un médecin et de transmettre cette information à l’employeur. En l’occurrence, A a satisfait aux exigences de l’article L.121-6 en avertissant C, représentante de l’employeur, au courant de la matinée du 14 juillet 2009 qu’elle s’absente parce qu’elle ne se sent pas bien et qu’elle va consulter un médecin. »
Cette formulation a été interprétée par certains comme signifiant que lorsque l’incapacité de travail dure un seul jour, aucun certificat médical n’est nécessaire, l’absence du salarié n’ayant alors pas du tout à être justifiée. Or, ceci serait contraire aux dispositions de l’article L. 121-6 du Code du travail, qui impose dans tous les cas la remise d’un certificat médical dans le délai légal de trois jours, sans distinguer différents régimes selon la durée plus ou moins longue de l’absence du salarié. Cela serait également contraire à la nature même du contrat de travail, qui impose au salarié de se présenter à son lieu de travail pour y effectuer les prestations auxquelles il s’est engagé contractuellement, sauf dans les cas d’absence autorisés par la loi, tels les congés (lorsqu’ils ont été accordés par l’employeur, et pas seulement lorsque le salarié prétend unilatéralement être en congé), ou les incapacités de travail (lorsqu’elles sont réellement des incapacités de travail, ce que l’employeur est en droit de vérifier).
Ainsi, il convient de retenir que durant les trois premiers jours d’absence, le salarié bénéficie d’une protection « provisoire » contre le licenciement, qui sera à confirmer par la remise d’un certificat médical dans le délai légal de trois jours. Le salarié n’a pas besoin de faire confirmer cet état de santé déficient du premier jour par un médecin et de transmettre cette information à l’employeur dès le premier jour d’absence. Il a en effet trois jours pour ce faire, et l’employeur ne peut pas réduire ce délai de trois jours, à un jour. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 juin 2013, la salariée avait été licenciée le premier jour de son absence. Ainsi, l’employeur ne lui a pas donné la possibilité de remettre un certificat médical dans les trois jours, et l’a licenciée en violation de la protection provisoire contre le licenciement dont elle bénéficiait.
Durant les trois premiers jours d’absence, le salarié ne peut pas être considéré comme étant en absence injustifiée par l’employeur, et ce même si ce dernier ne dispose pas (encore) de la preuve médicale.
1.2. Une protection « confirmée » si le salarié communique le certificat médical à son employeur, au plus tard le troisième jour de l’absence(6)
Le salarié, en principe en incapacité de travail, est en revanche tenu de consulter un médecin et de remettre un certificat médical à son employeur dans les trois jours de délai légal, afin de justifier la durée de son absence, et de profiter d’une protection contre le licenciement.
Cette obligation de communication vaut quelle que soit la durée de l’absence (un jour ou plus), et ce, que le salarié soit revenu à son poste, ou soit toujours en incapacité de travail.
Si le salarié a effectivement justifié son absence en communiquant un certificat médical à son employeur avant l’expiration du troisième jour du délai imposé par le Code du travail, la protection « provisoire » contre le licenciement dont bénéficiait le salarié est confirmée, et perdure pendant l’intégralité de la durée de l’incapacité de travail médicalement constatée, pour une période de vingt-six semaines au plus à partir du jour de la survenance de l’incapacité de travail(7).
C’est dans cette hypothèse que le salarié est considéré comme étant en absence justifiée, et qu’il bénéficie d’une protection contre le licenciement : lorsque l’information est complétée par la justification de l’absence dans le délai légal. Même si le salarié est absent un ou deux jours, la simple information de l’employeur le premier jour n’est en aucun cas suffisante à cet égard. Une telle information permet seulement au salarié de bénéficier d’un délai de trois jours pour justifier son absence par la remise d’un certificat médical.
En revanche, si le salarié a manqué à son obligation de communication du certificat médical à son employeur dans les trois jours – cette obligation étant requise quelle que soit la durée de l’absence, le Code du travail ne distinguant pas entre les durées plus ou moins longues d’absence – le salarié perd, à partir du quatrième jour d’absence, la protection provisoire dont il bénéficiait contre un licenciement éventuel.
2. Conséquences de la justification de l’absence sur la rémunération
La rémunération est la contrepartie du travail effectué par le salarié. Si ce dernier ne travaille pas, il ne sera pas rémunéré, sauf si son absence est reconnue comme justifiée par le Code du travail, la convention collective le cas échéant applicable, ou le contrat de travail (ex : congés, incapacités de travail etc.).
Par exemple, lorsque le salarié est absent durant un ou deux jour(s) et ne remet pas du tout de certificat médical pour cette période d’absence, l’employeur peut, s’il ne le croit pas sur parole, lui demander de fournir un certificat médical, afin de s’assurer que l’absence du salarié fait bien partie des cas d’absence autorisés par la loi, pour lesquels l’employeur doit rémunérer le salarié.
Le fait que le salarié bénéfice d’une protection provisoire contre le licenciement pendant les trois premiers jours de son absence, lorsqu’il a informé son employeur qu’il ne sentait pas bien le premier jour, n’implique aucunement qu’il doive être rémunéré pendant cette période. Le salarié devra communiquer un certificat médical, le cas échéant, afin de bénéficier d’une rémunération pendant son absence.
Ainsi, la présence du salarié sur son lieu de travail constitue l’obligation principale de ce dernier, de sorte qu’en cas d’absence, le salarié est tenu d’informer au plus tôt son employeur, afin que ce dernier puisse prendre les mesures de réorganisation nécessaire. Par ailleurs, l’employeur n’étant pas tenu de croire son salarié sur parole, il peut exiger que le salarié produise un certificat médical, dans les conditions prévues par le Code du travail, afin de justifier de la réalité et de la légalité de la cause de son absence.
Me Guy Castegnaro et Me Ariane Claverie
1 N°38928 .
2 Article L. 121-6. (1) du Code du travail : « (1) Le salarié incapable de travailler pour cause de maladie ou d’accident est obligé, le jour même de l’empêchement, d’en avertir personnellement ou par personne interposée l’employeur ou le représentant de celui-ci. L’avertissement visé à l’alinéa qui précède peut être effectué oralement ou par écrit.
(2) Le troisième jour de son absence au plus tard, le salarié est obligé de soumettre à l’employeur un certificat médical attestant son incapacité de travail et sa durée prévisible.
(3) L’employeur averti conformément au paragraphe (1) ou en possession du certificat médical visé au paragraphe (2) n’est pas autorisé, même pour motif grave, à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail, ou, le cas échéant, la convocation à l’entretien préalable visé à l’article L. 124-2 pour une période de vingt-six semaines au plus à partir du jour de la survenance de l’incapacité de travail. »
3 Voir notamment Chambre des Salariés, Infos Juridiques n°5/2014
4 Notamment récemment : Tribunal du travail, 17 mars 2014, n°1236/2014 du répertoire fiscal. Cette obligation incombe également au salarié en cas de prolongation d’un état d’incapacité de travail (.i.e. Tribunal du travail, 13 janvier 2014, n°140/2014 du répertoire fiscal).
5 Article L.121-6 (1) et (2) du Code du travail selon lequel « (1) Le salarié incapable de travailler pour cause ou d’accident est obligé, le jour même de l’empêchement, d’en avertir personnellement le ou par personne interposée l’employeur ou le représentant de celui-ci.
(2) Le troisième jour de son absence au plus tard, le salarié est obligé de soumettre à l’employeur un certificat médical attestant de son incapacité de travail et de sa durée prévisible ».
6 Article L121-6 du Code du travail : sauf en cas d’hospitalisation urgente, auquel cas la présentation du certificat d’incapacité de travail rend nulle et sans effets la lettre de notification de la résiliation du contrat ou, le cas échéant la lettre de convocation à entretien préalable.
7 Article L.121-6 (3) du Code du travail.