Legitech révolutionne l’accès aux textes juridiques grâce à l’introduction d’une solution d’IA générative pour ses clients au Luxembourg. Rencontre avec Marc-Olivier Lifrange, CEO de cette maison d’édition juridique, qui évoque la transformation en cours dans ce domaine.
Depuis près de 20 ans, Legitech édite des livres, des codes, des revues et des plateformes numériques à destination d’un public professionnel en quête d’informations juridiques de qualité. L’entreprise est également active dans la formation juridique.
«Au départ, vous avez la matière brute, composée des textes législatifs, des jurisprudences (qui sont déjà une interprétation de la loi) et d’autres sources comme les dossiers parlementaires et les circulaires administratives. Notre métier d’éditeur juridique consiste à transformer cet ensemble de données complexes pour les rendre compréhensibles, accessibles et exploitables. C’est ce qu’on appelle la doctrine. Nous la diffusons sur différents supports physiques tels que des livres, des codes et des revues, mais aussi sur des supports numériques ou audiovisuels, que nous utilisons lors de nos formations et séminaires», explique Marc-Olivier Lifrange, CEO de Legitech.
Du texte brut à la doctrine
Depuis 2018, l’éditeur propose à ses clients (juristes, DRH, experts-comptables, etc.) une bibliothèque et un moteur de recherche performant et intuitif. L’objectif est d’offrir un accès rapide et complet à cette doctrine, constamment mise à jour par des experts du droit. Cette plateforme, baptisée LexNow, s’enrichit désormais d’une troisième fonctionnalité: LexGAIN, qui repose sur l’IA générative.
«Selon nous, l’intelligence artificielle va révolutionner les méthodes d’accès à l’information juridique. Jusqu’à présent, cet accès s’effectuait via des mots-clés, permettant d’identifier des documents parfois très complexes. Désormais, l’utilisateur peut poser une question directement à l’IA et engager un dialogue avec elle, sous forme de chat. La solution, afin d’assister l’utilisateur, génère une réponse en s’appuyant sur l’ensemble des données disponibles sur la plateforme», détaille le CEO de Legitech.
L’objectif n’est évidemment pas de remplacer le juriste, mais de lui simplifier la vie en lui offrant un accès rapide à un ensemble de ressources fiables. «Pour utiliser cet outil, il faut être un professionnel du droit, savoir poser les bonnes questions, challenger l’IA pour affiner les réponses et, si nécessaire, approfondir ensuite l’analyse des textes législatifs et des autres sources disponibles», ajoute-t-il.
Un dialogue à établir avec l’IA
Lancée en octobre 2024, LexGAIN a nécessité plus d’un an d’entraînement, d’adaptations et de tests en conditions réelles pour garantir la fiabilité de l’outil.
«Notre solution, que nous mettons à disposition de nos clients sans coût supplémentaire, s’appuie sur Gemini, l’IA générative développée par Google. Cet algorithme a été entraîné sur des milliards de textes à travers le monde. Cependant, l’outil que nous proposons ne puise des informations que dans nos propres sources: la législation, la jurisprudence et la doctrine. Finalement, comme pour toute IA générative, plus les instructions formulées – ce que l’on appelle les prompts – sont précises, plus la réponse est pertinente», précise Marc-Olivier Lifrange.
Un module de traduction indispensable
La solution d’IA mise en place par Legitech intègre également un module de traduction performant.
«Au Luxembourg, hormis quelques textes particuliers, l’essentiel de la législation est rédigé en français. Or, il est essentiel pour tous les professionnels de la Place d’accéder aux textes dans leur langue. En Belgique, où nous sommes également présents, il est tout aussi intéressant pour un professionnel de comprendre les lois en vigueur au niveau fédéral ou régional. Un même dossier jugé à Liège, Bruxelles ou Anvers peut donner lieu à des interprétations très différentes. Nos clients ont accès à cette jurisprudence et peuvent, par exemple, demander à l’IA de résumer n’importe quelle décision dans leur langue et, pourquoi pas, sous forme d’un tableau simplifié», explique Marc-Olivier Lifrange.
Une IA accessible à tous les éditeurs juridiques
Grâce aux solutions d’IA générative développées par les grands acteurs de la tech, toutes les maisons d’édition peuvent aujourd’hui accéder à des outils éprouvés et performants.
«Aucune maison d’édition juridique, même les plus grandes au monde, ne peut se permettre de financer le développement d’une IA dédiée. Nous devons donc utiliser des solutions grand public et les paramétrer pour répondre à nos besoins. L’avantage de ce système est qu’il permet à tous les acteurs de l’édition juridique de proposer des solutions de qualité à leurs clients et d’éviter ainsi la création de monopoles», souligne l’éditeur.
Le métier d’éditeur ne change pas
Si l’arrivée de l’IA générative bouleverse le quotidien des juristes et autres professionnels, le fondement du métier d’éditeur juridique, lui, demeure inchangé.
«La meilleure IA du monde reste très faible sans la doctrine produite par des humains, qui interprètent les textes et leur donnent du sens. L’IA est bien sûr un formidable calculateur, capable de réaliser des analyses complexes en se basant sur des données existantes. Cependant, elle n’a pas de créativité», explique Marc-Olivier Lifrange.
À l’avenir, Legitech continuera à développer ses outils et à travailler sur leur ergonomie. «Les retours des utilisateurs sont très encourageants. Notre objectif n’est pas d’arriver comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, mais de prendre en compte les besoins et les attentes de nos clients. LexGAIN est une troisième porte d’entrée pour mener des recherches sur notre plateforme LexNow, qui n’a cessé d’évoluer depuis son lancement au Luxembourg en 2018. De nouvelles fonctionnalités voient régulièrement le jour et nous continuerons dans cette voie à l’avenir».