Si l'employeur est légalement obligé d’intervenir pour prévenir ou stopper des actes de harcèlement sexuel, le salarié aussi se voit désormais imposer des obligations en cas de harcèlement.
À l'heure où la parole des victimes de violences sexuelles se libère en créant des précédents médiatiques retentissants, à l’instar de l’affaire Weinstein, des mouvements #Metoo ou Balance ton porc, la Cour Supérieure de Justice luxembourgeoise a eu récemment l’occasion de statuer sur un cas de harcèlement sexuel en entreprise.
Il est parfaitement connu que l’employeur doit mettre en place des mesures au sein de l’entreprise afin de prévenir et lutter contre les agissements de harcèlement sexuel, mais qu’en est-il si le salarié ne dénonce pas les faits dont il prétend être victime à l’employeur? L’employeur engage-t-il sa responsabilité face au silence des salariés victimes de tels agissements sur leur lieu de travail?
À titre de rappel, tout comportement à connotation sexuelle (physique, verbal ou non verbal) ou tout autre comportement fondé sur le sexe, dont celui qui s’en rend coupable sait ou devrait savoir qu’il affecte la dignité d’une personne, est constitutif d'un acte de harcèlement sexuel. Aussi, un seul comportement unique peut, selon la gravité de l’acte, suffire à être qualifié comme tel.
Dans le cadre de l’affaire dont a été saisie la Cour, une salariée avait démissionné avec effet immédiat en prétendant avoir été victime de plusieurs actes de harcèlement sexuel perpétrés à son encontre par l’administrateur délégué de l’entreprise. Elle reprochait à l’employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour faire cesser les actes de harcèlement. Toutefois, la salariée avait admis ne pas avoir dénoncé de manière directe et expresse à l’employeur les actes dont elle prétendait avoir été victime. Ceci a eu comme conséquence qu’en l’absence d’une telle dénonciation, l’entreprise a été déchargée de toute responsabilité.
L’enseignement de cette affaire est ici intéressant: s’il pèse sur l’employeur une obligation légale de lutter et faire stopper toute forme de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, il ne peut intervenir utilement qu’en ayant une connaissance précise et détaillée des faits litigieux.
En conclusion, il est important de rappeler que les personnes se sentant victimes de harcèlement sexuel doivent dénoncer les faits non seulement le plus rapidement possible, mais également de manière précise et circonstanciée.
Si tel n’est pas le cas, l’employeur est dans l’impossibilité d’agir, voire de protéger la présumée victime, et de sanctionner l’auteur des faits s’ils sont avérés à l’issue de l’enquête.
Il serait, dès lors, cohérent que l’entreprise mette en place une procédure d’alerte en matière de harcèlement, qui soit suffisamment claire et facile d’accès afin que les présumées victimes n’hésitent pas à dénoncer de tels faits.
Écrit par Guy Castegnaro, Managing Partner, & Azeline Hubert, Associate , au sein du cabinet CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg