Le chômage partiel constitue un outil précieux à la disposition de nombreux employeurs dans la gestion de la crise du COVID-19. Cet instrument juridique a fait l’objet de plusieurs adaptations au cours des dernières semaines, de sorte qu’il y a lieu d’en clarifier les conditions et modalités actuelles.
La crise sanitaire liée à la propagation du Coronavirus a un impact considérable sur le fonctionnement des entreprises. Les restrictions gouvernementales imposées en matière de liberté de commerce et de circulation des personnes, ainsi que l’augmentation des absences pour raisons médicales de salariés qui sont liées à ce virus perturbent le bon déroulement des activités économiques.
Plusieurs mécanismes juridiques, dont le chômage partiel, sont à la disposition des employeurs afin de les aider à limiter les coûts salariaux en cas de cessation (totale ou partielle) de leurs activités.
De nombreuses entreprises ont manifesté leur intérêt pour le chômage partiel. Ainsi, selon un communiqué du ministère de l’Economie/Comité de conjoncture du 6 avril 2020, 5.077 entreprises avaient vu leur demande d’octroi du chômage partiel validées à cette date, concernant ainsi 73.254 salariés.
Dans ce contexte, le Gouvernement a pris un ensemble de mesures pour adapter la procédure de demande du chômage partiel à la situation de crise actuelle et permettre au plus grand nombre d’employeurs d’en bénéficier dans les meilleurs délais.
Le chômage partiel, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit d’une mesure permettant aux employeurs, confrontés à une baisse d’activité, de diminuer (totalement ou partiellement) la durée de travail de tout ou partie de leurs salariés et de bénéficier de subventions étatiques les indemnisant d’une partie de la rémunération versée aux salariés concernés.
Ce système permet ainsi aux entreprises de maintenir en emploi leurs salariés, à moindre coût et ainsi d’éviter des licenciements.
Cette aide financière peut être accordée, notamment aux entreprises confrontées à un cas de force majeure empêchant la poursuite normale de leurs activités économiques. C’est précisément dans ce cas que s’inscrit l’octroi du chômage partiel durant la période de crise sanitaire actuelle.
En contrepartie de ces aides financières, l’employeur doit s’engager à ne licencier aucun salarié pour des motifs non inhérents à sa personne (« motifs économiques ») pendant la période d’application du chômage partiel 1 .
A cet égard, il y a lieu de relever que le bénéfice du chômage partiel est limité dans le temps, alors que la réduction de la durée de travail couverte par ce mécanisme ne peut pas excéder 1.022 heures par année de calendrier, et par salarié travaillant à temps plein.
Comment obtenir cette aide financière durant la crise du COVID-19 ?
La procédure de demande d’octroi du chômage partiel a été adaptée à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, eu égard à l’importance du nombre de demandes.
Depuis le 27 mars 2020, la procédure a été simplifiée pour toutes les entreprises impactées par le Coronavirus (et non plus seulement celles ayant dû cesser complètement ou partiellement leurs activités à la suite d’une décision gouvernementale 2 ), ceci afin d'accélérer le processus de traitement.
Dans ce cadre, l'ADEM 3 a mis en place un nouveau système automatisé qui permet à toutes les entreprises concernées d'introduire leur demande de chômage partiel via un formulaire en ligne 4 (les demandes par courrier, e-mail ou téléfax ne sont plus acceptées).
Le traitement de ces demandes est différent selon que l’entreprise a été contrainte ou non de cesser ses activités à la suite d’une décision gouvernementale. En effet, les entreprises visées par une telle décision sont d'office éligibles pour le chômage partiel sans avoir besoin de l'accord du Comité de conjoncture, tandis que les autres demeurent soumises à un tel accord.
Il est à préciser que la demande doit être formulée chaque mois, avec une pièce justificative qui doit être signée par l’employeur 5 . Il s’agit d’une déclaration sur l’honneur de ce dernier concernant notamment les informations fournies aux autorités dans le cadre du chômage partiel, l’engagement de non licenciement pour motifs non inhérents à la personne du salarié, ou encore le respect de certaines obligations de l’employeur vis-à-vis des institutions représentatives du personnel s’il en existe.
Si possible, l’employeur doit également joindre une déclaration de la délégation du personnel qui certifie avoir été informée de la demande de chômage partiel.
Dans quelles conditions les employeurs impactés par la crise du COVID-19 peuvent-il bénéficier du chômage partiel ?
Avant de recourir au chômage partiel, l’employeur a l’obligation d’épuiser tous les moyens dont il dispose pour maintenir un niveau normal d’emploi, par ex. inciter, lorsque cela est possible, les salariés à effectuer du télétravail, adapter les tâches des salariés concernés (dans les limites de ce qui est contractuellement permis), ne pas renouveler les CDD 6 venant à échéance, ne pas embaucher de nouveaux salariés en CDD…
A cet égard, selon certaines informations communiquées par les autorités, l’obtention du chômage partiel serait subordonnée au fait que le salarié ait pris tout ou partie de ses congés annuels acquis 7 . Cette condition semble toutefois difficile à mettre en œuvre en pratique, dans la mesure où elle s’oppose à la règle suivant laquelle le congé est en principe fixé selon la volonté du salarié. Les efforts pour maintenir l’emploi dans le contexte de crise sanitaire actuel doivent dès lors être partagés entre employeur et salarié.
En outre, ne sont éligibles au chômage partiel que les salariés régulièrement occupés en CDI 8 ou CDD par l’entreprise lors de la survenance du chômage partiel. Ces salariés doivent être aptes au travail, âgés de moins de 68 ans accomplis, et ne pas jouir d’une pension de vieillesse, d’une pension de vieillesse anticipée ou d’une pension d’invalidité.
Les salariés des entreprises de travail intérimaire, dont le contrat de mission perdure mais qui ne peuvent plus exercer leur activité, peuvent bénéficier du chômage partiel.
Enfin, le Gouvernement a, à titre exceptionnel, également rendu les apprentis éligibles à cette mesure durant la crise du COVID-19.
Comment les employeurs doivent-ils rémunérer les chômeurs partiels et quelle indemnisation pour les employeurs ?
L’employeur doit verser à chaque salarié concerné par le chômage partiel :
- son salaire normalement dû pour les heures travaillées (le cas échéant) ; et
- une indemnité de compensation pour les heures chômées, fixée à 80% du salaire horaire brut normal du salarié, sans que cette indemnité puisse toutefois dépasser un montant correspondant à 250% du salaire social minimum horaire pour travailleurs non qualifiés (soit un taux horaire maximal de 30,95.- EUR brut à l’indice 834,76).
Cette indemnité est soumise aux charges sociales et fiscales généralement prévues en matière de salaires (à l’exception toutefois des cotisations d’assurance contre les accidents et des cotisations dues en matière de prestations familiales).
Le Fonds pour l’emploi rembourse à l’employeur cette indemnité de compensation.
A ce sujet, le Gouvernement a conclu le 27 mars 2020 un accord avec les présidents du LCGB et de l’OGB-L sur base duquel le taux horaire de l'indemnité de compensation ne peut être inférieur au taux horaire du salaire social minimum pour salariés non qualifiés (qui correspond actuellement au montant de 12,38.- EUR brut) 9 . Une éventuelle différence entre le montant de l'indemnité de compensation et le salaire social minimum non qualifié est ainsi prise en charge par le Fonds pour l'emploi.
Concrètement, comment le remboursement se fera-t-il ?
Pour permettre aux entreprises de disposer rapidement de liquidités, il est prévu que l’ADEM verse aux entreprises ayant formulé une demande de chômage partiel (qui a été acceptée, s’agissant des entreprises soumises à une décision du Comité de conjoncture) une avance sur les remboursements des indemnités de compensation payées par ces entreprises. Cette avance correspond à 80% de la masse salariale des salariés touchés par le chômage partiel.
Après la fin du mois, l'entreprise doit fournir à l’ADEM un décompte détaillé mentionnant les heures réellement chômées.
Sur base de ce décompte, l'ADEM calculera les sommes réellement dues par le Fonds pour l'emploi et en cas de trop-perçu, l’employeur sera tenu de rembourser.
John Ted, Avocat à la Cour, Senior Associate au sein de CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg
1 Conformément aux informations figurant notamment dans la pièce justificative devant être jointe à la demande d’octroi du chômage partiel. Le Code du travail est silencieux quant à la durée de cet engagement de l’employeur.
2 A savoir, les entreprises visées par l’arrêté ministériel du 16 mars 2020 ou par le Règlement grand-ducal modifié du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.
3 Agence pour le développement de l’emploi.
4 Disponible sur le site internet suivant : http://guichet.lu/cocp.
5 Egalement disponible sur le site internet suivant : http://guichet.lu/cocp.
6 Contrat à durée déterminée.
7 Il est par ex. indiqué dans la Foire Aux Questions de l’ADEM relatives aux demandes de chômage partiel (https://adem.public.lu/fr/support/faq/faq-chomage-partiel.html) que le salarié doit avoir épuisé les congés des années antérieures à 2020 avant de bénéficier du chômage partiel.
8 Contrat à durée indéterminée.
9 Le Règlement grand-ducal du 27 mars 2020 portant modification temporaire de l’article 2 du Règlement grand-ducal modifié du 15 septembre 1975 portant fixation du taux d’indemnisation des chômeurs partiels a été pris à cet égard. Il est applicable depuis le 27 mars 2020 (Mémorial A N°204).