ChatGPT au travail: utilisation et risques

Source : Paperjam
27 février 2024 par
Legitech, LexNow

L’utilisation de l’intelligence artificielle par les employeurs et les salarié/es: une pratique désormais courante dans (presque) toutes les entreprises.


Il est incontestable que l’intelligence artificielle (IA) facilite la vie professionnelle.


Nombreux étaient déjà jusqu’à maintenant les salarié(e)s utilisant des outils tels que DeepL Siri, Google Translate, etc.


Il n’est donc pas étonnant que les entreprises et leur personnel tentent désormais d’utiliser des possibilités techniques de plus en plus sophistiquées de l’IA, comme ChatGPT, pour faciliter le travail.


Par exemple, un grand cabinet d’affaires international a récemment révélé un partenariat exclusif avec OpenAI, la société à l’origine du programme ChatGPT, concernant une application qui permet aux avocats d’économiser de nombreuses heures de travail.


Certaines entreprises forment leurs salarié(e)s à la meilleure façon d’utiliser ces outils et de les guider correctement. D’autres interdisent leur utilisation et bloquent les sites web correspondants sur leur réseau, mais la plupart n’ont pas de lignes directrices ou de politiques en place… une erreur.


L’utilisation de l’IA, voire l’introduction d’instruments comme ChatGPT, s’accompagne d’une multitude de questions juridiques non encore vraiment résolues.


Du point de vue du droit du travail collectif, la question se pose notamment de savoir si une délégation du personnel a son mot à dire dans l’introduction d’instruments tel que ChatGPT.


En Allemagne, une première décision sur cette question vient d’être rendue par un tribunal du travail.


L’employeur voulait autoriser ses collaborateurs à utiliser l’IA générative comme nouvel outil d’aide au travail. Pour ce faire, il a publié sur l’Intranet des directives relatives à l’utilisation sur le lieu de travail d’outils informatiques dotés d’une intelligence artificielle.


Les représentants du personnel ont cependant estimé que l’autorisation d’utilisation de ChatGPT, associée à la publication des directives, violait gravement leurs droits de codécision.


Ils ont notamment demandé à l’employeur de bloquer ChatGPT et d’en interdire l’utilisation.


L’employeur ayant refusé, le comité d’entreprise du groupe a demandé une injonction provisoire contre celui-ci.


Le tribunal du travail a rejeté la demande d’injonction en estimant que les droits de codécision du comité d’entreprise n’avaient pas été violés.


Au Luxembourg, la même question se pose, à savoir si l’introduction d’un système d’IA, comme ChatGPT, doit se faire avec l’accord de la délégation du personnel dans les entreprises employant au moins 150 salarié(e)s ou si la délégation doit seulement être préalablement informée et/ou consultée à ce sujet.


En ce qui concerne le droit de la délégation de participer aux décisions de l’entreprise, l’introduction ou l’application de ChatGPT n’a en principe pas pour objet de contrôler le comportement ou les performances des salarié(e)s à leur poste de travail. À ce titre, l’approbation de la délégation ne serait donc pas requise.


Cependant, si l’introduction de ChatGPT ou de tout autre système d’IA devait se faire par le biais d’un règlement intérieur, l’accord de la délégation du personnel serait nécessaire.


Il en serait d’ailleurs de même dans le cadre, de plus en plus fréquent, de l’intégration d’un système de suivi des candidat(e)s à l’embauche équipé d’un système d’IA, car cela relèverait vraisemblablement de la procédure d’établissement des critères généraux concernant la sélection personnelle en cas d’embauchage par l’employeur, et par conséquent soumise à l’accord de la délégation du personnel. Se poseront dans ce contexte d’ailleurs aussi des questions liées à la protection des données personnelles.


En tout état de cause, comme la délégation du personnel doit être informée et consultée pour toute question ayant trait à l’amélioration des conditions de travail et de l’emploi des salarié(e)s, l’introduction d’un système d’IA, voire de ChatGPT, au sein de l’entreprise ne pourra se faire qu’après information et consultation de la délégation du personnel, et cela indépendamment du nombre de salarié(e)s au service de l’entreprise.


Vu l’usage de plus en plus récurrent de l’IA par les employeurs et les salarié(e)s, nombreux seront sans doute à l’avenir les litiges et, par conséquent, les décisions de justice en la matière.

Guy Castegnaro, Founding & Managing Partner, CASTEGNARO-Ius Laboris Luxembourg