Certaines matières sont régies par des délais et exigences formelles très stricts. Parfois, la procédure civile, caractérisée par une succession de conférences de mise en état, a pu être vue comme une matière avec des délais plutôt souples. Or, le sort que la Cour de cassation a récemment réservé à un moyen permet de relever l’importance du principe du contradictoire qui va de pair avec le respect des délais de procédure.
Dans l’arrêt N° 158 / 2020 du 26.11.2020 numéro CAS-2019-00149 du registre, la haute juridiction a rejeté un moyen formulé comme suit :
La Cour de cassation n’a pas accueilli ce moyen qui tend à remettre en discussion l’appréciation du respect du critère du « temps utile » découlant de l’article 64 du Nouveau Code de procédure civile par le juge de fond.
Le respect du contradictoire impose que les parties se fassent connaître mutuellement les moyens de faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent.
En procédure civile, c’est notamment à l’occasion des conférences de mise en état qu’il y a lieu de tirer les conséquences de l’accomplissement ou non de cette tâche par les parties.
Tous les praticiens et malheureusement certains justiciables ont connu des conférences de mise en état avec des résultats décevants.
L’appréciation du respect du « temps utile » peut, en effet, mener à des divergences d’opinions et à des incompréhensions. Il s’agit d’un critère qui permet une certaine souplesse.
Toutefois, la souplesse est telle, qu’il y a aujourd’hui de considérables différences d’appréciation, en fonction des différentes chambres du tribunal d’arrondissement, de celles de la Cour d’appel, voire même du juge de la mise en état donné.
Le processus décisionnel doit prendre en compte une multitude de facteurs et, ce qui cause probablement le plus d’incompréhension, c’est que la décision n’est souvent pas motivée.
Certes l’avocat peut discuter en amont avec son client pour lui expliquer les circonstances ou alors les avocats peuvent, dans une certaine mesure, s’accorder, mais il appartient souvent au juge de décider sur-le-champ lors de conférences de mise en état avec des résultats parfois insatisfaisants.
En l’espèce, la Cour d’appel a motivé sa décision dans son arrêt rendu en date du 27 février 2019 comme suit :
« En notifiant ses conclusions le 2 juillet 2018, le jour de l’audience de la mise en état à laquelle la clôture de l’instruction avait été fixée, en réponse à des conclusions de l’adversaire notifiées le 4 juin 2018, soit un mois plus tôt et après avoir conclu de manière exhaustive à deux reprises auparavant, l’appelant a mis l’intimée dans l’impossibilité de prendre position par rapport à ces conclusions et a ainsi porté atteinte aux droits de la défense de celui-ci. Afin de préserver le principe du contradictoire, il y a, dès lors, lieu d’écarter les conclusions litigieuses des débats.»
L’avocat général a encore relevé dans ses conclusions que la Cour d’appel :
« a ainsi caractérisé un comportement contraire à la loyauté des débats et légalement justifié sa décision afin de préserver le principe de la contradiction. »
Trouver le juste équilibre, entre les besoins de l’instruction et le respect du contradictoire eu égard au respect des délais de procédure, n’est guère facile.
Bien évidemment, la façon la plus simple, pour une partie, de ne pas subir trop d’incertitudes lors du déroulement du procès, est de respecter strictement les délais de procédure.
La stratégie durant le procès ne doit pas uniquement se focaliser sur le fond, mais il est important que le conseil prenne en compte une multitude de variables, dont des aspects procéduraux si subtiles qu’ils puissent paraître .
Maître Max MULLER
HEAD OF LITIGATION
KAUFHOLD&REVEILLAUD